L’émission de divertissement KPOPPED est sortie sur Apple TV+ le 29 août. Présenté par Megan Thee Stallion et PSY, le principe est simple : prendre des chansons internationales iconiques et les réinventer “façon K-Pop”. Les tubes en question sont variés. Certains ont eu du succès il y a plus de 50 ans, comme Lady Marmelade, tandis que d’autres sont de la dernière décennie, comme Kings & Queens d’Ava Max. Les huit épisodes réunissent donc des stars aux carrières et aux styles très différents qui ont 48 heures pour fusionner avec huit groupes de K-Pop et livrer une performance inédite. Mais derrière ce pitch accrocheur, une vraie question se pose : c’est quoi, “rendre une chanson K-Pop” ? Pour en parler, j’ai analysé l’émission et demandé l'avis de ma communauté, composée de fans de BTS et de K-Pop.

La signature musicale K-Pop : mélange, rythme et surprise
Dans KPOPPED, chaque titre est remixé pour y ajouter une touche K-Pop. Cela passe d’abord par le mélange des langues. Le coréen reste central : ATEEZ intègre des paroles coréennes dans Can’t Get You Out of My Head de Kylie Minogue et Mi Gente de J Balvin. De son côté, STAYC fait une proposition étonnante à Boy George : “Tu vas chanter en coréen, je crois que c'est énorme et c'est le but, l'une des grandes raisons de notre collaboration.” Malgré tout, avec l’expansion mondiale de la K-Pop, l’anglais s’impose de plus en plus et les groupes n’hésitent plus à sortir des chansons entièrement dans cette langue.
L’autre ingrédient universel, ce sont les onomatopées. Les nanana, lalala ou oh oh oh permettent à tout le monde de chanter sans barrière linguistique. Dans l’épisode 2 de KPOPPED, ITZY reprend Wannabe des Spice Girls en ajoutant un “ah ah zig-a-zig zig ah ah zig-a-zig ah”, faisant participer tout le public.
Quand on parle de style musical, la K-Pop navigue entre pop, EDM, rock, hip-hop, R&B, ballade, voire country ou jazz. Elle est surtout populaire pour ses sonorités hybrides et dansantes. Dans ma communauté, Hélène retient “le rythme des musiques”, tandis qu’Alizée souligne leur côté “joyeux, entraînant, dynamique et qui reste vite en tête.” KPOPPED en donne une démonstration puisque la plupart des remix accélèrent le tempo des hits internationaux.

De manière générale, la production musicale K-Pop est chargée, poussée, mettant l'accent sur des changements de rythme et de genres pour provoquer la surprise et maintenir l’attention. Ainsi, ITZY insuffle du reggae à Wannabe, STAYC glisse de l’électro dans Karma Chameleon, et KISS OF LIFE ajoute un côté disco à Hold My Hand de Jess Glynne. Résultat ? Comme le dit Ava Max face à la version K-Pop de son tube Kings & Queens : “C'est audacieux, innovant, frais, très énergique. Comme une fête K-Pop. L'Orient et l'Occident fusionnent et font des feux d’artifice.”
Des feux d’artifice qui, très souvent… surprennent. Je fais régulièrement la grimace en découvrant une chanson de K-Pop, submergée par un surplus d’informations sonores. Puis, au fil du temps, je me familiarise avec l’instrumentation et j’apprends à l’aimer, jusqu’à l'écouter en boucle.
Si la musique K-Pop a une production si rythmée et parfois “too much”, c'est parce qu'elle atteint son plein potentiel sur scène, quand on y ajoute un univers visuel et une chorégraphie.
La scène K-Pop : musique, danse et spectacle
La scène, c’est ce qui rend la musique vivante et c’est particulièrement vrai pour la K-Pop. Et au sein de ma communauté, on est plutôt d’accord. Elise résume : “Ce qui fait que la K-Pop est différente, je dirais que c’est avant tout les performances, avec la mode, la danse, la musique, c’est un truc complet.” C’est aussi ce qui m’a séduite en 2020, quand j’ai découvert la K-Pop au travers de BTS et BLACKPINK. Je me souviens avoir regardé des dizaines de prestations lives de Dynamite. Chacune d'entre elles avait ses propres décors, costumes et scénographies. C’était fascinant.
Dans ce système, les groupes de K-Pop font partie intégrante de la mise en scène. Ils ne sont pas seulement le centre d’un spectacle évoluant autour d’eux sans interaction. Danseurs confirmés, ils savent captiver un public par quelques mouvements précis. Les danseurs additionnels, quand il y en a, viennent surtout amplifier l’effet de masse mais ne sont qu’accessoires. Dans KPOPPED, certains groupes comme BILLLIE, JO1 et STAYC choisissent d’ailleurs de remixer les chansons pour y ajouter un dance break, c’est-à-dire un passage instrumental très rythmé laissant le champ libre à la danse.

Cette pluridisciplinarité force l’admiration. Sur mes réseaux, Elise note que “les artistes K-Pop ont une dizaine de casquettes : musicien, danseur, chanteur, modèle, comédien…” Maddie insiste aussi sur “le mélange chant-danse-rap” comme marque de fabrique. De quoi déconcerter les stars internationales de KPOPPED. Dans l’épisode 4, Kesha confie : “Ils excellent dans presque tous les domaines. Réussir à faire ce que chacun d'entre eux fait, c'est du délire. C'est un cauchemar de tout retenir.”
D’ailleurs, ce sentiment d’infériorité ressenti du côté occidental est manifeste. Taylor Dayne admet même qu’elle a l’impression de monter sur scène pour la première fois alors que cela fait 35 ans qu’elle est dans le métier. Face à des idols aussi polyvalents et surentraînés, l’écart semble énorme.
Mais cet écart s’explique : derrière ces performances spectaculaires, il y a des années de travail acharné et une rigueur propre à la culture coréenne.
L’envers du décor : travail, exigence et passion à la coréenne
Si la musique K-Pop fascine, c’est parce qu’elle va de pair avec une exigence infaillible. Dans ma communauté de fans de BTS, Elise résume : “Tout est millimétré, ça rend les performances encore plus impressionnantes.” Tout doit être coordonné, chaque geste pensé. La moindre erreur saute aux yeux. Et si les groupes les plus établis peuvent balayer leurs faux pas avec un sourire, chez les groupes plus jeunes, cela peut entacher leur image.
Cette rigueur transparaît dans KPOPPED et Megan Thee Stallion s’en étonne : “Je croyais que tout était tranquille, qu'on s'amusait et dansait toute la journée. Mais c'est très intensif. Je ne savais pas à quel point l'entraînement était dur.” Car en K-Pop, l’improvisation est bannie. On répète pendant des heures et des heures, jusqu’à pouvoir évoluer sur scène les yeux fermés, et on supprime l’imprévu au maximum. Cette approche perturbe les artistes occidentaux comme Mel B des Spice Girls qui y voit un manque de liberté et de plaisir. Entre la spontanéité occidentale et la rigueur coréenne, la rencontre n’est pas toujours simple.
Pourtant, la K-Pop ne tourne pas seulement autour de la perfection froide. Les idols parlent ouvertement de leurs faiblesses et de leurs axes d'amélioration. Être timide, lent, peureux ou maladroit, ce ne sont pas des défauts rédhibitoires. Au contraire. C’est peut-être l’une des différences majeures avec d’autres industries musicales : la K-Pop ne vend pas un fantasme de la célébrité providentielle et inaccessible. Elle raconte surtout l’histoire de personnes ordinaires, imparfaites, devenues des stars grâce à leur travail acharné et à leur passion.
L’héritage du confucianisme a aussi sa part de responsabilité dans le fonctionnement de la K-Pop. Comme le souligne Clémentine, une fan au sein de ma communauté, “le fait de mettre son individualité au service du groupe” est essentiel en K-Pop. Alizée complète : “Ça change des groupes où un leader est mis en avant et le reste du groupe est en arrière-plan. Ici, chacun a sa place et son rôle.” Chacun donne son maximum pour ne pas être un frein pour les autres. Je pense, par exemple, à Jin de BTS qui avouait prendre du temps en dehors des répétitions communes pour rattraper “son retard” en danse. J’avais trouvé ce dévouement admirable.
Cette cohésion se retrouve dès leurs premières années de trainees (années de formation au sein d'un label). Les futures stars vivent ensemble dans des appartements et rapidement, “on devient une famille", comme le dit KISS OF LIFE dans l’épisode 7 de KPOPPED. Le groupe passe avant tout, et si les idols apprennent à tout partager entre eux, c’est aussi pour offrir une image unie et créer des interactions plus fortes avec leur public.
Comme le souligne Gwenaëlle dans ma communauté, “ce qui rend la K-Pop encore plus spéciale, c’est le lien incroyable entre les artistes et leur fandom.” Publications sur les réseaux, messages, lives, émissions en tout genre, produits dérivés… Ce lien est constant, patiemment et savamment développé. Pour beaucoup de fans comme Elise, “on se sent beaucoup plus proche et on s’attache d’autant plus, contrairement aux autres artistes où c’est très rare de se sentir réellement connectés.”

Bien sûr, tout cela ne suffit pas à résumer la K-Pop. Marketing intensif, univers fictifs, rythme effréné de sorties d'albums… différents aspects, non évoqués dans KPOPPED et parfois plus sombres, pourraient être cités. Et il ne faut pas oublier que la K-Pop s’inspire elle-même d’autres industries du divertissement, notamment américaines et japonaises. Plutôt que de les opposer, mieux vaut les voir comme des systèmes qui s’influencent et s’enrichissent mutuellement, pour offrir une scène musicale toujours plus variée.
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