J’ai commencé ma découverte de la culture coréenne sous contrainte. Je pourrais même préciser à cause de… grâce à deux obligations.
Nous sommes au début des années 2010. À cette époque, les péchés capitaux me fascinent. J’ai d’ailleurs deux projets artistiques en cours sur cette thématique : la création d’un polyptique mêlant écriture, peinture et photographie et l’écriture d’un roman. C’est aussi dans cette période que mon voyage culturel au Pays du matin clair s’emballe. Simple coïncidence ? Ou pas. À bien y réfléchir, cette découverte ressemble quand même beaucoup plus à une plongée vertigineuse dans les péchés capitaux, version coréenne, qu’à une tranquille petite sortie culturelle !
Gourmandise (Sik-tam)
Remontons encore quelques années plus tôt, aux alentours de 2007. Ma fille alors préadolescente est fan de la culture japonaise depuis son plus jeune âge. La naissance de cette passion restera un mystère puisque ni son père ni moi ne connaissons vraiment. À sa demande, nous fréquentons quelques restaurants japonais, puis découvrons la cuisine d’autres pays asiatiques dont la Corée.
Je me rappelle préférer les spécialités culinaires coréennes à celles des autres pays. Mais je ne m’intéresse pas encore ni à l’histoire des plats, ni à leur composition, ni même à leurs noms. Je satisfais juste les envies de cuisine exotique de ma fille et mon ventre apprécie. C’était la première obligation dont je parlais. Obligations maternelles en quelque sorte.

Paresse (Ge-eu-reum)
Dans la même période, je reprends des cours de théâtre et d’écriture. On me conseille de regarder des films coréens pour en analyser la trame narrative. Je m’exécute donc – mollement, j’avoue – surtout pour pouvoir dire au cours suivant « c’est bon, j’ai vu un film coréen, et donc ? »
C’est comme ça que pour un devoir à rendre, je choisis au hasard de visionner Old Boy de Park Chan-wook. Que je prends une claque monumentale, une des plus grosses de ma vie ! Et que j’enchaîne les week-ends où je n’ai pas ma fille en mode nolife pour dévorer le cinéma coréen…
Je tombe amoureuse des œuvres de Bong Joon-ho avec The Host, Mother ou encore Memories of a murder. Je me fais peur avec des films comme Haeundae ou I saw the devil.
Je me délecte du caractère jusqu’au boutisme des choix artistiques des réalisateurs. Ils ne font pas dans la demi-mesure en termes de violence, d’horreur, de romantisme etc. Ils assument leur choix. C’est pareil pour l’esthétique. Les couleurs sont saturées, les décors magnifiques, les comédiens sont tous incroyables, du premier rôle jusqu’au figurant. J’adore.
Le jour où j’apprends que le film de vampires Thirst de Park Chan-wook est basé sur le roman Thérèse Raquin d’Émile Zola, en trois secondes, quelque chose se scelle entre la Corée et moi, même si c’est encore timide. Même si je n’ai pas encore conscience de l’ampleur que ça va prendre dans ma vie.
Mais la paresse, la vraie, viendra plus tard avec les K-Dramas. Je suis incapable de dire quel est le premier que j’ai vu. J’en ai regardé des dizaines. J’ai été immédiatement attirée par leur esthétique soignée et leurs récits captivants. La beauté des acteurs, les décors magnifiques, les intrigues bien ficelées et les cliffhangers de malade ont exercé sur moi une attraction irrésistible. C'était comme si chaque épisode promettait une nouvelle dose de plaisir visuel et émotionnel.
C’est pourquoi je les binge watch[1] en deux ou trois fois au maximum. Faisant des journées et des nuits entières dans le lit, n’en sortant que parce qu’il faut s’alimenter de temps en temps, si vraiment je n’ai plus le choix. J’exagère à peine. En tout cas je ne regarde plus que ça. Quiconque commence les drama coréens sait à quel point c’est addictif.
Je rêve de jouer dans un K-drama. Soupirs.
Alors lorsque je n’en regarde pas, j’en écoute les musiques.
Luxure (tam-yok)
Et je glisse ainsi dans l’univers des musiciens, chanteurs, idols coréens. La pente est raide. Plus encore que celle du cinéma et des K-dramas !
Traditionnellement, on peut parler de luxure comme un désir intense et immodéré, la passion dévorante et l’immersion totale dans une expérience. Pour moi, c’est celle de la K-Pop. Damned ! Je ne l’avais pas vu venir, cette vague-là.
Ma plongée dans la musique coréenne a commencé comme une brise légère au bord de l’océan, avec les bandes originales de films. Ces mélodies émouvantes et apaisantes m'ont doucement initiée à la richesse sonore de la Corée. Comme de petites ondulations sur l'océan, ces premières découvertes étaient agréables et tranquilles, une introduction en douceur à une culture musicale encore méconnue pour moi.
Yoon Mi-rae, Ailee, Crush, Davichi, 10 cm… des voix qui envoûtent mes journées. Puis je découvre des membres de groupes de K-Pop parmi les contributeurs aux OST. Qui m’ouvrent la porte aux idols et autres solistes produisant tous styles de musique : Big Bang, SNSD, EXO, sans oublier Psy !
La rencontre avec les idols a transformé cette brise en une houle croissante. Je découvre les sons, l'exigence des formations, les talents bruts, la multidisciplinarité. Je comprends vite que boys band en Corée n'a absolument rien à voir avec boys band en France. Chez nous, on a tendance à réduire les membres de boys band à de beaux jeunes hommes. En Corée, ils sont beaux, ils chantent, dansent, jouent de la musique, composent, écrivent, pratiquent des sports, posent devant les caméras etc etc. le tout à la perfection. Le résultat de périodes de formation extrêmement difficiles et concurrentielles de trois à… dix ans pour certains. Devenir idol est un parcours du combattant.
Alors ça me fascine. K-pop, K-rap et surtout K-hip-hop rajoutent de la profondeur et de l'intensité à ma découverte de la musique coréenne, rendant mon expérience plus vibrante en attendant la plus haute vague.
La déferlante BTS atteint son apogée avec une force irrésistible. Comme une vague se brisant sur le rivage, l'énergie des sept membres du groupe, leur créativité, le hip-hop style de leurs débuts m'ont submergée.
Nous sommes en 2013. Raconter mon aventure avec BTS serait bien trop long. En tout cas, elle a changé ma vie. Et elle la change encore chaque jour. Car plonger dans l’univers de BTS, c’est emprunter un chemin avec eux. Vivre avec eux. Je dis toujours que BTS n’est pas un simple groupe de musiciens. Pour beaucoup d’ARMY, l’aventure BTS, c’est du développement personnel et ils ont inspiré nombre de mes décisions depuis douze ans.
De plus, les membres de BTS proposent tellement de contenus en lien avec la culture de leur pays qu’on apprend sans s’en rendre compte les expressions, jeux, traditions, fêtes, plats coréens. Ils sont de grands ambassadeurs de la culture de leur pays.
Les artistes coréens le sont tous.
Et les quidams coréens aussi, dans une moindre mesure. Les Coréens aiment leur pays et le partagent bien.
Avarice (Tam-yok)
À ce stade, on comprend mieux comment la culture coréenne a envahi ma vie. Au sens figuré comme au sens propre.
Je passe au « vous ». Pendant quelques instants, j’aurais ainsi l’illusion de ne pas être le personnage principal de ce qui suit.
Stannez[2] un groupe de K-Pop et vous aurez envie de tout avoir d’eux. Tout savoir ne suffit plus. En tant que collectionneuse de livres depuis que j’ai 20 ans, j’ai décidé de poser des limites parce qu’il ne faut pas exagérer ! Je limite donc ma collection K-Pop aux livres. Mais il y en a partout. Dans un album, il y a un livre. Au minimum. Dans un coffret DVD, il y a un livre, au minimum… Tout ça prend de la place. Mais apporte une satisfaction tellement incroyable.
Puis regardez des dramas coréens à longueur de soirées et vous aurez envie de tout goûter. Le poulet frit, le bibimbap, le japchae, le soju, le kimchi, les tranches de poitrine de porc grillées, le lait à la banane, les ice americano… et j’en passe.
Regardez encore des dramas et vous aurez envie d’aller à Séoul, Busan, à Myeongdong, dans les cafés, sous les tentes pour boire de l’alcool, dans les bus et le métro. Chez Daiso. Ou même chez Starbucks mais ceux en Corée. Vous rêverez de vous prélasser dans un jjimjilbang, les saunas coréens, la serviette “mouton” autour de la tête et le pantalon à fleurs, en dégustant des œufs durs.

Si vous avez vu “Crash Landing On You”, vous avez appris de Yoon Se-ri qu’un cou terne efface tous les efforts faits pour un visage rayonnant et que le cou doit recevoir les mêmes soins hydratants que le visage. Ni une, ni deux, vous vous jetez sur Google pour en apprendre plus sur la K-Beauty. Puis vous achetez les produits. Puis vous trouvez qu’ils sont extras. Vous êtes conquis. Et si vous êtes comme moi, vous en arrivez même à écrire un article sur la K-beauty dans les K-dramas. Faites-moi plaisir, allez donc le lire avant d'avancer dans cet article.
Continuez à regarder des dramas et certains mots et expressions – grossières ou non – n’auront plus de secrets pour vous. Gwaenchanha gwaenchanhayo! (Vous l’avez prononcé avec le ton qui va bien ?), salanghaeyo, jinjja, bogo sipeo, micheosseo, eotteokhae, gajima!, jamkkanman, jugeullae, et bien sûr andwaeyo ! Je suis certaine que vous vous êtes fait tout un scénario rien qu'en lisant ces dix mots. Et que vous en avez peut-être même ajouté quelques-uns pour ponctuer…
Colère (Bun-no)
Bon j’avoue qu’au bout d’un moment, l’excitation de reconnaitre quelques mots ou phrases laisse place à la frustration de ne pas pouvoir comprendre immédiatement ce que les acteurs disent ou ce que les musiciens chantent. Comprendre devient un besoin. C’est le moment de télécharger une ou plusieurs applications pour apprendre le hangeul puis les bases. Et comme ça ne suffit pas et que la détermination féroce qui en découle pour apprendre est grande, on s’inscrit à des cours collectifs en ligne, voire particuliers. On tente le tirage au sort (rhaaaaaa le stress des tirages au sort coréens…) pour obtenir une place en cours de coréen offert par le Centre culturel coréen ou l’Institut du Roi Sejong.
Puis on stresse un peu quand même quand on l’obtient et qu’on va en cours. On stresse et on galère surtout parce que ce n’est pas si facile. Pourtant on comprend bien dans les dramas. Pourquoi on ne comprend plus rien pendant l’examen de langue… ! Rassurez-vous, vous avez peut-être l'impression qu'on souffre dans l'apprentissage de la langue. Mais non, même si c'est très difficile, dès qu'on comprend une phrase, qu'on peut commander au restaurant en Corée, demander si c'est épicé ou non, tout à coup on oublie les difficultés.
Envie (Jil-tu)
Une chose est sûre, c’est que la vague – la hallyu de son doux nom – a envahi ma vie entière. Ma fille voulait manger des sushi, j’en suis arrivée à vivre coréen, cuisiner coréen, penser coréen, voyager coréen, parler coréen, écouter coréen, visionner coréen, lire coréen, consommer coréen, m’habiller coréen, me nettoyer coréen, rencontrer coréen, festoyer coréen... Beaucoup vont probablement considérer tout cela comme excessif !
Mais j'aime ce style de vie et je désire l'intégrer dans mon propre quotidien, que ce soit par les cosmétiques, la musique ou la cuisine. Ou autre. Chacun son bonheur après tout.
C'est un peu comme si j'habitais en Corée en France. Parfois je passe des journées entières à n’entendre que du coréen et je suis surprise tout à coup d’entendre parler français.
Lorsque j’atterris à Séoul avec les copines, on se souhaite mutuellement “bienvenue à la maison”.
Et je n’ai pas l’impression d’être dépaysée quand je suis en Corée.
Orgueil (Ja-man)
Et même si je sais que bien sûr la vraie vie n’est pas un K-Drama, même si je suis très consciente que tout n’est pas tout rose en Corée, je suis fière de maîtriser de mieux en mieux la langue et la culture coréenne, de pouvoir discuter avec des natifs et de comprendre les subtilités culturelles et de partager cette passion avec des dizaines de personnes autour de moi qui sont aussi impliquées que moi.
Maîtriser la culture coréenne m'a permis de me sentir plus connectée à cette communauté globale. J'ai ressenti une immense fierté lorsque j'ai pu discuter de la culture coréenne avec des amis ou des collègues et les initier. Et puis j'ai rencontré grâce à cette passion pour la Corée parmi les personnes les plus importantes de ma vie, de celles que je n'aurais jamais connues autrement que par ce biais.
C'est pourquoi, je conjugue autant que faire se peut mes passions entre elles. C’est comme cela que je suis devenue administratrice de groupes Facebook sur la cuisine coréenne, que j’ai cofondé une association ARMY, que j'ai commencé à écrire des articles pour des magazines, que je suis devenue journaliste honoraire. Et que je partage avec vous aujourd’hui comment la hallyu a déferlé dans ma vie.
Explorer la culture coréenne est une aventure incroyable, remplie de découvertes et de moments mémorables. J'espère que mon partage d'expérience vous inspirera à plonger dans cette culture riche et diversifiée. Que ce soit à travers la cuisine, le cinéma, la musique ou les traditions, il y a tant à découvrir et à apprécier. Peut-être avec un peu plus de modération que moi, j'en conviens…
N'hésitez pas à plonger tête la première dans la culture coréenne et succombez sans peur aux 7 péchés capitaux qui enrichiront votre vie de découvertes et de passions inoubliables.
[1] Directement inspiré du binge-drinking (boire cul sec), le binge-watching, c’est le fait de regarder une série télévisée d’une seule traite.
[2] Stanner : suivre un groupe de K-pop ou un membre du groupe en particulier, rejoignant un fandom

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