Pour les amoureux du café en tout genre, la Corée fait figure de véritable paradis terrestre, et pour cause : le pays est l’un des endroits sur terre où se trouve le plus grand nombre de cafés par habitant au monde. Inutile d’avoir soi-même foulé le sol coréen pour s’en rendre compte ; les films et dramas s’en chargent parfaitement. Des grandes chaînes de café telles que Starbucks, Hollys Coffee ou encore Mega MGC Coffee aux cafés indépendants, le café en Corée est une affaire de passion. Sur un continent où la culture du thé est reine, cette frénésie du café peut sembler difficile à concevoir, et pourtant… c’est précisément ce que nous allons tenter d’éclaircir ici.
Le café, toute une histoire
L'histoire du café en Corée est relativement récente, puisqu’elle débute à la fin du XIXème siècle, durant la dynastie Joseon et sous le règne de Gojong (1863-1907). À cette époque, le café est réservé aux personnalités importantes, à commencer par le roi, mais aussi aux hauts fonctionnaires et diplomates qui en font la dégustation lors de leurs visites à l’étranger. C’est précisément suite à son exil à la légation russe au temps de l’occupation japonaise que le roi Gojong se passionne pour le café, et décide de faire construire un bâtiment de style occidental - le Jeonggwanheon - pour y boire son café tous les jours. Au fil du temps, les premiers cafés connus sous le nom de dabang (다방) voient le jour en ville et deviennent un symbole de culture occidentale et de différenciation sociale, avant de s’ouvrir aux classes populaires.
Jeonggwanheon, palais de Deoksugung © Namuwiki
Il faudra plusieurs décennies avant que la culture du café en Corée ne subisse de profonds changements, notamment avec l'arrivée du café instantané. Introduit par les Américains pendant la guerre de Corée (1950-1953), ce type de café était dans les premiers temps largement consommé dans les bases militaires. À la fin des années 1970, Dongsuh Foods, alors plus grand fabricant de café instantané du pays, commercialise des sachets individuels de café instantané qui auront plus tard la forme que nous leurs connaissons aujourd’hui - à savoir un mélange de sucre, de crème et de café en poudre. Dès les années 1980, des distributeurs automatiques de café instantané sont installés dans presque tous les bureaux, mais aussi en extérieur, proposant une tasse de café pour la modique somme d’un quart d’euro. Dans un pays où la culture du dessert n’existe pas, cette série de changements a durablement ancré le café dans les habitudes quotidiennes des coréens, faisant du pays le plus grand consommateur de café instantané au monde au cours de cette période.
Le premier “coffee mix” de Dongsuh Foods, commercialisé en 1976 © The Korea Herald
Le café instantané règne sur le marché coréen pendant plusieurs années avant que Starbucks, premier café franchisé étranger en Corée, ne s'implante à Séoul à la fin des années 1990. La culture du café dévoile alors un nouveau visage, dont celui du libre-service et de la vente à emporter, alors que d'autres franchises étrangères et cafés privés font leur entrée sur le marché.
La culture du café en Corée
En 2019, une étude publiée par le Hyundai Research Institute révèle que la consommation annuelle moyenne de café en Corée équivaut à 353 tasses, soit plus du double de la moyenne mondiale. En quelques années seulement, la Corée est devenue le pays qui recense le plus grand nombre de cafés par habitant au monde, alors que Séoul compte plus de Starbucks que n'importe quelle autre ville. Et ce qui est certain, c’est que cette tendance n’est pas prête de s’inverser. À l’ère des réseaux sociaux, les cafés sont devenus des destinations à la mode relayés par Instagram, attirant des visiteurs parfois prêts à faire la queue durant plusieurs heures pour publier une simple photographie.
Étude menée par le Hyundai Research Institute sur l’augmentation de la consommation annuelle de café en Corée entre 2015 et 2018 © UoH
Cet engouement pour les cafés pousse les établissements à se réinventer continuellement. Cafés à thème, dog/cat cafés, cafés hanok, book cafés et cafés en rooftop se multiplient et ne cessent d’étonner par leur originalité. La culture du café en Corée s’imprègne donc jusque dans les lieux, mais pas seulement. De plus en plus de coréens apprécient le café pour ce qu’il est, pour sa qualité et ses saveurs ; les processus de torréfaction ou de préparation proposés dans les cafés sont en conséquence de plus en plus perfectionnés : café filtre, expresso, café glacé, café infusé ou encore French Press, il y en a pour tous les goûts, amateurs comme fins connaisseurs.
Greem Cafe, un café en 2D plongé dans un décor de BD © Architectural Digest
Les coréens, givrés de café froid
Si aujourd'hui le café instantané reste largement plébiscité au bureau et dans certains lieux publics tels que les gares, les coréens lui préfèrent désormais son grand frère : le fameux americano. Consommé de préférence froid, l’americano glacé ou ice americano reste le café vedette, et ce même en hiver, un phénomène presque paradoxal qui a inspiré une nouvelle expression : eol-juk-a (얼죽아), soit littéralement « un americano glacé, au risque de mourir de froid ». Ainsi, en 2022, les cafés glacés représentaient 76 % des ventes totales de Starbucks Korea, loin devant leurs équivalents chauds. Depuis quelques années, emporter un americano avant le début des cours ou la journée de travail est devenu un rituel adopté par le plus grand nombre, en particulier par les jeunes générations.
La consommation d’americano glacés en Corée, une habitude qui a la peau dure même en plein hiver © Korea Buzz
Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi les « AA » (아아, sobriquet de l’ice americano) sont aujourd’hui aussi populaires, et ce même en hiver. Tout d’abord, les americano glacés offrent une amertume moins prononcée que les espressos purs tout en demeurant très caféinés. Par ailleurs, en plus d’être meilleur marché que les autres types de café, ils constituent une alternative idéale sur le plan diététique de par leur faible teneur en calories. Enfin, il s’agit d’une boisson en vogue, notamment populaire parmi les idols de k-pop et les acteurs de cinéma qui en consomment régulièrement à l’écran.
Seo Dal-mi (Bae Suzy) dans Start Up et Hong Cha-young (Jeon Yeo-been) dans Vincenzo, un ice americano à la main © Netflix
Ainsi, depuis plusieurs années maintenant, la culture du café imprègne tous les quartiers des grandes villes coréennes, où établissements indépendants et franchises de café coréenne et étrangère se côtoient - parfois à quelques mètres les uns des autres. Plus que de simples endroits pour faire le plein de caféine, il sont devenus au fil du temps de véritables espaces de détente et de socialisation, un phénomène qui a contribué à faire de cette tendance une caractéristique culturelle unique au monde, à bien des égards.
How about this article?
- Like0
- Support0
- Amazing0
- Sad0
- Curious0
- Insightful0