Une journée de printemps, prenez la route en direction de Sokcho. Arrêtez-vous à l’entrée du parc National du mont Seorak et laissez-vous tenter par l’une des randonnées qui s’enfoncent au cœur d’une nature sauvage. Si vous avez de la chance, il fera beau. Si vous possédez un peu de magie en vous, la météo vous offrira une pluie battante, mais fine, tiédie par les jours de chaleur qui l’ont précédée. Une brume claire enveloppera les flancs, les pierres et les troncs. Un autre mont Seorak vous tendra les bras.
Point sur le parc National du Mont Seorak
Le mont Seorak appartient à la chaîne montagneuse appelée Taebaek. Cette dernière s’étend depuis le nord sur toute la péninsule coréenne en longeant la côte est. Après le mont Hallasan, situé sur l’île de Jeju, et le mont Jirisan, dans le sud du pays, le Seoraksan est la troisième plus haute montagne de Corée. Son point culminant est le pic Daechongbong qui surveille la région du haut de ses 1 708 mètres. Cette chaîne du Baekdudaegan est considérée comme l’épine dorsale de la péninsule coréenne. Ancienne, elle s’est formée durant l’ère du Crétacé, il y a plus de 23 millions d’années.
C’est en 1965 que le mont Seorak est reconnu comme Monument Naturel n°171. En 1970, la région est classée parc National. Il faut attendre 1982 pour que l’UNESCO déclare cet espace comme « Réserve de biosphère ». En effet, la zone abrite une multitude d’espèces florales et animales dont certaines sont en voie de disparition. C’est le cas du Pic à ventre blanc (Dryocopos javensis richardsi), cet oiseau remarquable au front rouge y vit une existence paisible, ou du Goral de l’Himalaya (Naemorheudus goral raddeanus) qui s’épanouit sur les hauteurs de la réserve. Ces espèces diverses vivent en harmonie sur une surface d’approximativement 400 027 km2. Plus récemment, en 2005, la région du mont Seorak a été désignée en tant que Catégorie II (parc national) par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature).
Le parc National se divise en trois zones qui permettent de se repérer plus facilement : Naeseorak à l’Ouest, Oeseorak à l’Est, Namseorak au Sud. Composé en grande partie de granit, le parc national offre des paysages rocheux surprenants.

S’immerger dans la nature du mont Seorak
Depuis le parking à l’entrée du parc National du Mont Seorak, plusieurs chemins de randonnée sont accessibles. Certains demandent une très bonne forme physique et de l’expérience, mais pour celles et ceux qui préfèrent une balade plus tranquille, il existe des parcours plus faciles.
Près du parking, la zone guichet est aménagée afin de rendre les lieux un peu plus agréables aux randonneurs. On y trouve plusieurs restaurants où l’on peut déguster des pajeon et boire du makgeolli. Impossible de ne pas trouver les sanitaires. Les visiteurs repartent rarement sans un souvenir déniché dans l’une des petites boutiques. Une fois prêt, l’estomac rempli, place à l’exercice physique.
Il ne vous reste qu’à choisir ce que vous voulez voir. L’un des parcours mène à la plus grande chute d’eau de la péninsule coréenne : la cascade Towangseong. Elle mesure près de 320 mètres de hauteur et se divise en trois parties distinctes. Il faut savoir que le mot « Towang » signifie « cœur de la terre ». Il provient d’une vieille légende répondant aux principes des cinq éléments et de la géomancie. Elle raconte que les roches de la cascade ne peuvent exister que par la présence d’une forte énergie terrestre.
Le parc National abrite également deux temples bouddhistes. Le temple Baekdamsa, situé dans le Namseorak, la région au sud, a été construit durant le règne de la reine Jin Deok (647 - 654) du royaume Silla. Plusieurs fois détruit par des incendies, il a été rénové à chaque fois. Le temple a été rendu célèbre par le moine Yongun Han ayant participé au mouvement pour l’indépendance de la Corée. Le temple Sinheungsa a également été construit au VIIIe siècle. Tout comme le Baekdamsa, il a été plusieurs fois ravagé par des incendies puis reconstruit. Il se situe sur deux chemins de randonnée accessibles à la journée. Il est facile de s’y rendre pour ne pas manquer la statue de Bouddha assis sur une fleur de lotus de près de 19 mètres de haut.

Une balade sous la pluie
Il pleut ce matin. C’est dommage. Profiter de l’excursion dans le parc National du Mont Seorak va être difficile. Pourtant, c’est aujourd’hui ou jamais. Dans quelques jours, je repartirai à des milliers de kilomètres. Il sera trop tard. Le guide que j’ai réservé n’a pas annulé. Je n’ai plus qu’à enfiler une tenue adéquate et me lancer. Tant pis pour la pluie.
Quand je descends du bus, ce n’est plus une averse, mais des gouttes fines qui maculent ma veste imperméable sans discontinuer. Des gens râlent, ils ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont d’être ici, en cet instant précis. Je les oublie et j’avance. Seule avec moi-même, je traverse la zone d’entrée. J’ai déjà choisi mon itinéraire. Je ne veux pas rater le temple Sinheungsa, alors j’ai opté pour l’une des randonnées proches du Bouddha assis sur sa fleur de lotus.
Avant même de m’engager sur le parcours, je reste sans voix. Le cours d’eau s’est transformé en torrent. Pourtant, il n’en a rien à faire des quelques humains téméraires qui l’observent. Il protège des espèces en danger, il se fait l’habitat le plus agréable pour eux. Le liquide turquoise roule sur les roches, vrombit, s’extasie. C’est dans ces moments-là qu’il préfère vivre. Au-dessus de moi, les pics se dressent, couverts d’arbres et de granit. La brume immaculée s’étire entre les conifères. Il leur donne l’aspect d’un coton qui s’est accroché aux épines des montagnes.
J’en ai le souffle coupé. Je me sens reconnaissante d’être témoin d’un paysage aussi sauvage.
La réalité me rattrape, l’heure tourne. Je dois éviter de trop flâner si je veux rentrer à temps pour le rendez-vous donné par le guide. La pluie est moins forte. Ce n’est que temporaire. Bientôt, elle reprend de la vigueur. Je dois mettre une casquette, ma capuche et garder mon parapluie à la main pour les moments trop intenses. Je croise si peu de marcheurs que j’ai l’impression d’être seule au monde. Seule avec cette nature. Seule avec cette eau rugissante et les roches glissantes que je dois enjamber. Les lieux sont habités. J’en suis certaine. Sanshin, l’esprit de la Montagne, veille sur cette région. Il la protège des hommes.
Mes pieds me guident un peu plus loin. Ce chemin ne semblait pas si long, pourtant j’ai la sensation d’y être depuis des temps immémoriaux. L’odeur de la mousse humide parvient à mes narines. Mes doigts timides effleurent l’écorce des arbres. Quand je traverse le pont de bois peint d’un rouge sombre, que je grimpe l’escalier de métal aménagé par les humains, quand je me tiens tout là-haut et que je surplombe la cascade, il s’est arrêté de pleuvoir. C’est la magie du mont Seorak.
Près des flancs de la montagne, l’eau se jette sur les pierres avec plus de force. Elle lave tout, nettoie tout, polit tout. Des gouttes solitaires tombent sur mon nez. Mes doigts se cramponnent sur la balustrade. J’ai le vertige. Perdue au milieu de la nature, enveloppée par la présence des esprits qui veillent sur leur foyer, je contemple la brume blanche qui caresse le paysage.
Et s’il n’avait pas plu ? Est-ce que cet instant aurait été aussi surréaliste ?
Sans doute. Ça aussi, c’est la magie du mont Seorak.

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