[Mission] Roland Gavriloff : Un militaire français devient héros de guerre en Corée

Alors que le 27 juillet, le pays commémore la Guerre de Corée et rend hommage aux vétérans internationaux, le sergent-chef Roland Gavriloff vient d’être élevé au rang de héros de guerre pour avoir donné sa vie pour la défense de la liberté de la Corée. Cet honneur exceptionnel rapproche évidemment un peu plus la France et la Corée, montrant que des hommes venus de mon pays ont donné leur vie pour la liberté du peuple coréen. 

Ses premières années

Cet hommage me touche particulièrement. Tout d’abord, Roland Gavriloff est originaire de Lorraine, ma région de naissance, une région qui a connu l’occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale, mais également l’annexion à l’Allemagne de 1870 à 1918. Comme tout Lorrain, Roland Gavriloff était donc attaché à la liberté. 

@ Ambassade de France en République de Corée. Le sergent Gavriloff et un groupe de pionniers. 

Né le 26 octobre 1926 à Amnéville, en Moselle, d’un père russe et d’une mère française, il a enduré une lourde présence allemande jusqu’à la libération de la région en octobre 1944. Le 2 décembre, à peine majeur, il s’engage dans l’armée pour chasser l’envahisseur et participe donc à la défaite de l’Allemagne dans le 4e Bataillon de Marche. 

En huit mois, il montre toute sa bravoure et son courage, devient 1ère classe, avant, la guerre finie, de confirmer son désir de devenir militaire puisqu’il entre au 8° Bataillon de Chasseurs Parachutistes à Trêves, en Allemagne. Il devient Caporal puis rapidement Caporal-Chef. Il est nommé sergent à 20 ans puis est muté à la Compagnie du Génie de la 25° Division Aéroportée. 

Volontaire pour l’Indochine, il y est déployé en juillet 1948. Il ne tarde pas à montrer son courage, non seulement en déminant des terrains d’opération, mais aussi en participant à des destructions pour permettre aux troupes de passer. Il reçoit sa première citation à l’ordre de la Division qui note qu’il a « soulevé l’admiration de tous ». 

Il va par la suite participer à plusieurs opérations, dont le fameux dégagement de Caobang en 1950 où il se montre un véritable meneur d’hommes. Ses états de service sont glorieux puisqu’il obtient la croix de guerre avec palmes et quatre citations. 

Son engagement en Corée

Alors qu’il est rentré en France, la guerre sévit en Corée, un conflit sur lequel je me suis penché à de nombreuses reprises lors de mes lectures et de mes recherches pour mes romans et récits. 

Comme de nombreux Occidentaux, il décide de s’engager dans les forces de l’O.N.U. commandées par le général Mc Arthur. A la même époque, mon parrain s’est lui aussi engagé et m’a raconté la dureté des combats sur des terrains hostiles et la douleur d’être blessé ou de perdre ses hommes. 

Gavriloff arrive sur la péninsule en 1952 et participe notamment aux combats à Cheorwon, aux côtés de la 2e division d'infanterie de l'armée américaine. Il y est affecté en tant que pionnier. L’écrivain Jules Roy le décrit avec ces mots élogieux « Gavriloff ce Lorrain avait une belle tête dont les cheveux blonds coupés en brosse et un masque maigre accentuaient l'énergie. Il parlait peu et réfléchissait beaucoup. Il avait beaucoup de bon sens et d'expérience. »

Le 3 octobre, il est déployé sur la côte 281 pour la fortifier. Il va alors participer à sa dernière bataille, celle d’Arrow Head. Le 4 octobre, l’enfer de l’artillerie chinoise se déverse sur la colline. Mais les Français tiennent bon. Ils remettent ça le lendemain. Entre deux canonnades, le sergent Gavriloff et ses compagnons renforcent la position en attendant l’attaque prochaine. Le 6, le déluge de fer et de flammes transforme la colline en un brasier fumant, ce qui n’empêche pas Gavriloff de plaisanter avec ses camarades abrités derrière leurs sacs de sable. 

Lorsque les tirs de barrage cessent, le paysage est entièrement labouré, et pourtant les soldats français sont toujours à leurs postes, prêts à repousser l’ennemi. Celui-ci ne tarde pas à monter à l’assaut de la côte 281, accueilli par les nids de mitrailleuses des défenseurs. La première vague est fauchée. Une deuxième la remplace pour être stoppée par les mines et les barbelés. Mais les Chinois qui font peu de cas de la vie de leurs soldats en envoient de nouvelles. Les militaires français, pourtant en sous-nombre, s’accrochent à chaque pouce de la terre de Corée, se défendant à la grenade et à la baïonnette. 

Durant la nuit, les forces Chinoises finissent par submerger les dernières survivants, dont fait partie le sergent-chef Gavriloff qui se bat depuis un blockhaus encore intact. A la radio, il dit au colonel Borreil : « Ne vous en faites pas, Mon Colonel, nous tiendrons… » Sa section, qui comptait 40 hommes, se défend jusqu’au dernier. 22 meurent au combat et 17 sont blessés. 

Alors que blessé, il continue à se battre au couteau et tente de porter secours au lieutenant Perron, lui aussi blessé, il meurt d'un coup tiré en pleine tête. 

La reconnaissance posthume

Son courage est reconnu, puisque le 4 août 1953, il est décoré de la Légion d’honneur à titre posthume, ainsi que de la Médaille militaire avec cette citation : « le 6 octobre a dû faire face à une puissante attaque ennemie, la dissociant par le feu de ses armes, malgré une écrasante supériorité numérique de l’assaillant. S’est cramponné au terrain, maintenant chacun à son poste par son exemple. Submergé par le nombre, a continué le combat au corps à corps, se battant lui-même à l’arme blanche. A trouvé une mort glorieuse en plein combat, le 7 octobre au matin. Restera pour tous, le symbole le plus pur de la valeur guerrière. »

Sa ville de naissance, Amnéville, lui rend honneur en donnant son nom à l’une de ses rues. 

La 29ème promotion de l’École nationale des sous-officiers d'active de juillet à décembre 1968 porte le nom « Adjudant Gavriloff ». 

En juin 2023, la France fait don de son uniforme reconstitué au Mémorial de la guerre de Corée, à Séoul, en présence de l’Ambassadeur de France en Corée, Philippe Lefort. Un certificat de donation accompagne ce don. 

@ Ambassade de France en République de Corée. Remise le 29 juin 2023 par le War Memorial de Séoul du certificat de donation de l’uniforme reconstitué du sergent-chef Roland Gavriloff à l’Ambassade de France en République de Corée

Le 30 juin 2025, le ministère des Patriotes et des Anciens combattants de Séoul le désigne pour être le prochain héros de la guerre de Corée du mois afin de rendre hommage à sa contribution dans ce conflit. 

@ Ambassade de France en République de Corée. Entretien entre le War Memorial et l’Ambassadeur de France en République de Corée, Philippe Lefort, le 29 juin 2023.

En ces périodes troublées, mettre en avant le courage de ce soldat, nous montre que des hommes peuvent se soulever pour défendre la liberté d’autres hommes.