La danse traditionnelle coréenne est bien plus qu’un art du spectacle — c’est une expression poétique de l’âme, de l’histoire et de la spiritualité coréennes. Peu de personnes incarnent cette vision avec autant de passion que Melissa Minseong Seo, directrice artistique du Berlin Korean Dance Project. Issue d’une formation en arts visuels et en arts de la scène, elle s’est donné pour mission de révéler toute la profondeur de la danse coréenne à travers l’Europe.

J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec elle par e-mail entre le 28 mai et le 11 juillet 2025, à l’occasion de son retour en Roumanie en tant qu’invitée du K-Lovers Festival à Bucarest — un événement qui a permis de rapprocher le public local de la culture coréenne. Notre échange a permis d’aborder son parcours personnel, la réception du public roumain face à la danse traditionnelle coréenne et sa vision d’un dialogue culturel à travers le mouvement.
UNE VISION PERSONNELLE ET ARTISTIQUE

Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs et nous expliquer comment vous avez commencé votre parcours dans la danse coréenne ?
Melissa : Bonjour, je m’appelle Melissa Minseong Seo (서민성). Je suis la directrice artistique du Berlin Korean Dance Project, une initiative qui vise à faire découvrir les arts et la culture traditionnelle coréenne à travers l’Europe. À l’origine, j’étais une élève douée en arts visuels (미술영재), mais j’ai été profondément touchée en découvrant la danse traditionnelle coréenne. J’ai réalisé qu’elle allait bien au-delà du simple mouvement : elle englobe musique, costume, étiquette et spiritualité. Cette révélation m’a poussée à étudier la danse de manière professionnelle dans un lycée artistique, puis à l’université. Depuis, je consacre ma vie à transmettre cette richesse au plus grand nombre.
Qu’est-ce qui vous a personnellement poussée à consacrer votre vie à la danse et à la promotion culturelle ? Y a-t-il eu un moment-clé ou une figure marquante ?
Melissa : Mes deux parents sont artistes, donc j’ai grandi dans un univers baigné d’art. Cela a toujours fait partie de ma réalité.
Quel est le projet ou la performance qui vous a le plus marquée jusqu’à présent, et pourquoi ?
Melissa : Un projet très important pour moi est Media Sanjo, que j’ai conçu et dirigé en 2021. C’était une tentative audacieuse de réinterpréter le sanjo traditionnel coréen en y intégrant des arts médiatiques contemporains. Ce projet fusionnait danse coréenne, musique traditionnelle et installations visuelles immersives, créant un dialogue inédit entre passé et présent. Il a été soutenu par le Centre Culturel Coréen de Berlin dans le cadre du Koreanisches Kulturzentrum Excellence Award 2021. Il m’a permis de comprendre que l’art traditionnel peut se renouveler et continuer à émouvoir, même dans des formes inattendues.
L’EXPÉRIENCE ROUMAINE

Comment s’est déroulée votre participation au K-Lovers Festival à Bucarest ? Était-ce votre première visite en Roumanie ?
Melissa : C’était en réalité ma deuxième visite. En 2023, j’avais déjà été invitée pour animer un atelier de danse avec éventails traditionnels coréens, et pour présenter une chorégraphie intitulée Buchae Sanjo. Cette année, grâce à l’invitation de Diana Peca du CSRK (Centre d’Études Coréo-Roumaines, Université Roumano-Américaine), j’ai pu revenir. J’ai été très touchée par l’accueil chaleureux et par la passion palpable dans l’organisation de chaque moment du festival. J’ai eu la joie de présenter une danse au tambour Sogo, mais aussi une chorégraphie sur un rythme K-pop. Les expressions du public en découvrant ces danses pour la première fois resteront gravées dans ma mémoire.
Comment les participants roumains ont-ils réagi aux ateliers ? Y a-t-il eu un moment fort ?
Melissa : Au début, ils étaient un peu timides, hésitants. Mais dès qu’ils ont commencé à bouger et à se connecter au rythme, leurs visages se sont illuminés. Je me souviens particulièrement de l’instant où ils ont pris en main le petit tambour sogo pour apprendre les rythmes de base : il y avait tant de joie dans leurs regards. Ces instants où la danse et la musique abolissent les frontières sont inoubliables.
Selon vous, la danse traditionnelle coréenne est-elle perçue différemment en Europe de l’Est par rapport à l’Europe de l’Ouest ?
Melissa : Oui, je le pense. Il y a une sensibilité culturelle et historique particulière en Europe de l’Est. J’ai remarqué que ces publics réagissent souvent de manière plus intuitive et émotionnelle aux dimensions rituelles et narratives de la danse coréenne. Leur connexion semble parfois plus profonde, presque spirituelle, et c’est très émouvant à vivre.
POUR UN DIALOGUE CULTUREL DURABLE

Comment conciliez-vous authenticité de la tradition et adaptation pour un public international ?
Melissa : Ma devise est : « La forme enracinée dans la tradition, l’esprit ouvert au monde. » Je m’efforce de préserver les techniques de respiration, les éléments musicaux et l’esthétique des costumes traditionnels, tout en utilisant des dispositifs scéniques modernes ou des explications narratives pour faciliter la compréhension. Pour moi, garder une tradition vivante ne signifie pas la répéter, mais en exprimer l’essence avec sincérité.
Avez-vous observé des évolutions ou des réinterprétations originales de la danse traditionnelle coréenne en dehors de la Corée ?
Melissa : Oui, de plus en plus d’artistes explorent librement les croisements entre genres traditionnels et contemporains. J’ai moi-même mené des projets qui associent la danse coréenne aux sensibilités européennes. Cela montre bien que la tradition n’est pas figée, mais bien vivante et en perpétuelle transformation.
Pensez-vous que la danse traditionnelle coréenne pourrait connaître un succès mondial, comme le K-pop ou les K-dramas ?
Melissa : Absolument. Mais à la différence de la culture pop, la danse traditionnelle se diffuse plus lentement, en profondeur. Elle doit être proposée comme une expérience immersive, durable, et non comme une simple tendance. Pour cela, l’éducation, les spectacles, les ateliers et une diplomatie culturelle continue sont essentiels.
Quels conseils donneriez-vous à des danseurs non coréens souhaitant apprendre la danse traditionnelle coréenne avec respect ?
Melissa : Chaque geste en danse coréenne porte une signification profonde. Au-delà de la technique, il faut chercher à comprendre l’histoire et l’émotion du peuple coréen. Cette danse intègre aussi bien la musique, le costume, l’étiquette que la mémoire. Ceux qui s’en approchent avec curiosité et ouverture vivront une expérience bien plus riche. Et si vous voulez en savoir plus, je serais ravie de vous accompagner personnellement.
Que souhaitez-vous que le public retienne après avoir vu une performance ou participé à un atelier ?
Melissa : J’espère qu’il en ressort avec une résonance intérieure. Quelque chose de subtil, pas spectaculaire, mais un écho doux — comme une émotion légère qui continue à vibrer dans la vie quotidienne, bien après la fin du spectacle.
LE BERLIN KOREAN DANCE PROJECT

Parlez-nous du Berlin Korean Dance Project.
Melissa : C’est à la fois une plateforme et une initiative artistique qui vise à transmettre l’esthétique de la danse traditionnelle coréenne en Europe. À travers des cours, des spectacles, des ateliers et des collaborations interdisciplinaires, nous explorons comment la tradition peut respirer dans le monde contemporain.
Y a-t-il des événements à venir en 2025 ?
Melissa : Depuis 2021, nous organisons chaque année un concert de fin d’année en décembre. En 2025, nous présenterons à nouveau un concert à Berlin sous le nom de Bibim Korean Art Concert, en collaboration avec d’autres artistes culturels coréens : un ensemble de gayageum, des performances Sori-Chum, une équipe de taekwondo et des groupes de danse K-pop.
Avez-vous des projets d’expansion vers d’autres villes européennes ?
Melissa : Oui. Nous sommes déjà actifs en Allemagne, Roumanie, Pologne, France, Belgique et Italie. Mais je souhaite étendre ces activités à d’autres régions, pour que la danse coréenne fasse partie intégrante de la vie culturelle locale. Depuis l’année dernière, j’ai aussi repris progressivement des activités en Corée, en développant des programmes pour des publics non coréens, dans une logique de ponts interculturels durables.
MOT DE LA FIN
Un dernier message pour nos lecteurs qui découvriraient la danse coréenne grâce à vous ?
Melissa : La danse traditionnelle coréenne raconte une histoire ancienne, mais c’est aussi une des langues les plus fines pour exprimer les émotions d’aujourd’hui. Si c’est votre première rencontre avec elle, ne soyez pas intimidé. Regardez avec un cœur ouvert. Souvenez-vous : c’est un art total — danse, musique, costume, histoire, étiquette. Aux côtés de la K-pop, des K-dramas, de la K-beauty ou de la K-food, j’espère que vous découvrirez aussi toute la richesse des arts traditionnels coréens.

Melissa Minseong Seo est bien plus qu’une danseuse — elle est un véritable pont culturel, guidant les publics à travers les continents jusqu’au cœur de la tradition coréenne. Son travail nous rappelle que la danse coréenne ne se regarde pas seulement : elle se ressent, elle se vit, et elle reste en nous. Alors que l’intérêt pour la culture coréenne ne cesse de croître, des voix comme la sienne veillent à ce que la tradition reste vivante, vibrante et profondément humaine.
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